Il y a quelques mois, les bouleversements mondiaux ont atteint une ampleur que personne ne pensait possible. Le résultat des élections présidentielles aux États-Unis a montré à la Suisse à quel point son économie, sa société et sa culture sont interconnectées et interdépendantes. Les infrastructures numériques en font naturellement partie, ainsi que les questions de souveraineté technologique et de résilience. Il ne s’agit pas seulement du débat houleux sur les droits de douane. L’incertitude générale qui en résulte est plus fondamentale. Elle met en évidence les dépendances relatives au fonctionnement de notre société et de notre démocratie.
Qui prend la décision?
Tout cela est devenu particulièrement évident lorsque du jour au lendemain, les entreprises et les établissements d’enseignement suisses ont adapté leur attitude vis-à-vis de la diversité. En tant que démocratie directe, la Suisse a toutes les raisons de cultiver et de renforcer son propre rôle et son autonomie. C’est cependant plus facile à dire qu’à faire. Est-il vraiment inévitable que l’épine dorsale de tout système informatique soit aujourd’hui exploitée par Microsoft? La question doit se poser. Pour des raisons de confort, nous ne devrions pas nous engager dans des dépendances. En revanche, on peut se demander quelle indépendance est envisageable et judicieuse en matière d’infrastructure numérique. L’illusion de pouvoir atteindre l’indépendance peut être aussi fatale que l’insouciance de se penser en sécurité au sein de la monoculture numérique.
L’indépendance de la fondation
La structure de la fondation pourrait justement être un moyen de présenter des alternatives. Pour cela, il faut assez de courage pour emprunter de nouvelles voies. Il faut comprendre l’importance des solutions et canaux numériques indépendants pour la résilience d’une démocratie. Dans un État démocratique, les médias sont ce que l’on appelle le quatrième pouvoir. Cependant, eux aussi ont besoin de plus en plus de voies de transmission numériques et sont en concurrence avec les moyens d’information sociaux. Aujourd’hui, les quatre pouvoirs reposent de plus en plus sur l’infrastructure numérique et il est nécessaire de comprendre ses propres limites. Aucune fondation en Suisse ne créera d’alternative à Microsoft. Toutefois, le simple renforcement des compétences numériques est un premier pas pour identifier le problème, comme le fait la Fondation Hasler.
La tradition humanitaire
Il en va de même pour l’aide suisse au développement, qui est actuellement sous pression. Les nombreuses organisations caritatives nationales et internationales sont le visage de la tradition humanitaire. Le fait que notre Parlement, ainsi que nous-mêmes, remettions cela en question par des décisions autonomes a des conséquences sur l’important réseau dans lequel évolue la Suisse. Les dépendances apparaissent ouvertement, mais aussi de manière moins visible. Les conséquences de l’interruption des fonds de l’USAID pourraient être bien plus importantes et brutales. Néanmoins, la Suisse et les autres pays européens devraient également avoir conscience des conséquences de leurs propres réductions de fonds.
Le nombre de personnes qui ont dû fuir leur pays atteint les 140 millions. C’est un chiffre sans précédent. Seule une infime partie d’entre elles fuit vers l’Europe. La plupart cherchent refuge dans un pays voisin ou une région proche de chez elles. Les organisations caritatives sur place les soutiennent, mais elles ont besoin d’un soutien international dans leur travail. Si les fonds humanitaires sont réduits, les moyens pour aider directement les personnes réfugiées seront insuffisants. En outre, il n’y a pas que l’aide directe qui diminue. Les organisations caritatives locales sont contraintes de licencier leur personnel. Cela entraîne une perte de savoir-faire et la destruction des structures. Les conséquences sont dévastatrices et malheureusement durables.
La solitude
Dans l’aide au développement et dans le monde numérique, la mise en réseau globale est inhérente au système. C’est indéniable. Dans ce monde interconnecté, les décisions et leurs conséquences doivent donc être pensées et comprises. Il ne s’agit pas d’actions isolées. Dans un réseau, les conséquences d’une décision touchent différents aspects. Les fondations et les organisations à but non lucratif peuvent contribuer à renforcer ces réseaux, mais elles ne peuvent pas les porter seules. Cependant, grâce à des actions communes ciblées, elles peuvent contribuer à sensibiliser la société à l’importance de ce réseau.


